L’excès d’optimisme constitutif d’une information fausse et mensongère

mai 27th, 2011 Posted by Actualité juridique boursière, Uncategorized 0 thoughts on “L’excès d’optimisme constitutif d’une information fausse et mensongère”

L’article L. 465-2 du code monétaire et financier réprime le fait, pour toute personne, de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché règlementé.

La difficulté de cet article réside essentiellement dans l’appréciation du caractère faux ou trompeur d’informations portant sur des perspectives qui, par définition, portent sur l’avenir.

En effet, à l’occasion de la publication de ses communiqués, l’émetteur informe souvent les investisseurs sur la manière dont il anticipe les évolutions à court terme des marchés sur lesquels il évolue et de son activité. S’agissant d’informations pour l’avenir, l’AMF leur impose des règles et exigences particulières afin de respecter la bonne information du public qui doit être, à l’instar de celle portant sur une situation actuelle, précise, sincère et non trompeuse.

Une différence doit être faite entre les estimations, les objectifs et les prévisions.

Les estimations sont les informations financières non encore définitives concernant un exercice clos. A ce titre, la diffusion de résultats estimés avant la fin de l’audit des comptes sociaux doit être entourée de grandes précautions. L’AMF a rappelé que ces estimations ne doivent pas engendrer une confusion nuisible pour le marché avec la diffusion des comptes officiels, elles doivent être issues d’un processus comptable et budgétaire de nature à garantir la fiabilité de l’information fournie au marché.

Les objectifs traduisent de façon chiffrée et synthétique les effets attendus de la stratégie arrêtée. Fixer des objectifs chiffrés appartient aux dirigeants, ils expriment les buts fixés en fonction de leur anticipation des conditions économiques prévalentes et des moyens qu’ils ont décidé de mettre en œuvre. Ils doivent être cohérents avec la stratégie arrêtée , avec les conditions d’exploitation de l’émetteur et être fondés sur des études prospectives sérieuses.

Les prévisions se définissent par opposition aux objectifs et sont, en principe, du ressort des analystes financiers. Leur rôle est d’établir des prévisions, notamment à partir des objectifs diffusés par l’émetteur mais aussi à partir des éléments diffusés par l’émetteur en matière de stratégie, facteurs clés de ses activités. Les prévisions couvrent généralement le court et le moyen terme. L’émetteur doit apporter tout le soin nécessaire à l’élaboration des prévisions pour éviter d’induire les investisseurs en erreur. Il doit donc travailler sur les chiffres les plus récents. L’AMF précise que les prévisions doivent être fondées sur des éléments objectifs, être présentées comme des anticipations et être présentées de manière à attirer l’attention du public sur leur caractère aléatoire.

Si ces conditions sont remplies, l’émetteur dispose alors d’une certaine marge de manœuvre. Pour preuve, l’AMF considère que le simple fait que les prévisions ne soient pas atteintes ne suffit pas à établir que l’information communiquée était inexacte et trompeuse.

Dans l’affaire EADS par exemple (Décision AMF du 17/11/2009) la Commission des sanctions a rejeté le grief fait à la société, selon lequel elle avait annoncé des prévisions de résultat opérationnel pour 2006 comprises entre 3,2 et 3,4 milliards d’euros alors même que la borne haute de cette fourchette n’était possible que dans l’hypothèse où aucun risque pesant sur les prévisions de résultat d’Airbus ne se serait réalisé et où les opportunités dans les autres divisions du Groupe se seraient matérialisées, au motif « qu’il ne peut être démontré qu’il était impossible pour la société de réaliser le résultat opérationnel prévu ».

Néanmoins, l’exigence de prudence impose que tous les facteurs de risques qui pourraient remettre en question l’exactitude et la pertinence de l’information communiquée soient évoqués.

La communication d’informations inexactes, imprécises ou trompeuses peut donc être constituée par une communication exagérément optimiste à condition qu’il soit démontré que l’auteur du manquement savait ou aurait du savoir que les informations communiquées revêtaient ce caractère.

L’AMF se montre intraitable sur ce point puisque la Commission des sanctions, dans une décision du 31 mars 2011, a relevé que l’orientation générale de l’information, délivrée dans un communiqué qui annonçait la commande d’un yacht de 50 m qui viendrait « confirmer la bonne orientation du 4ème trimestre de l’exercice » alors que la société était en difficulté depuis plusieurs mois au point que les Commissaires aux comptes venaient de lancer une procédure d’alerte, était contraire aux informations disponibles. La Commission a estimé que le dirigeant avait induit le public en erreur en n’assortissant pas ses assertions optimistes dans la presse par des précisions sur l’existence de ces difficultés.

A l’instar de l’AMF, la Cour d’Appel de Paris a pu estimé, dans un arrêt du 17 octobre 2008, qu’un Président du Conseil d’Administration de la société incriminé qui, au cours d’un interview, a exposé le potentiel d’un procédé en termes de prévisions et de ventes en affirmant que la société avait obtenu 15 commandes fermes de machines et prévoyait d’en livrer 35 à 60 l’année suivante en en tirant des prévisions de croissance, s’est appuyé sur des commandes irréelles qui ont permis de majorer le résultat d’exploitation de 4%. Ces informations relatives au carnet de commande et aux perspectives industrielles et commerciales revêtaient un caractère trompeur en ce qu’elles ont concouru à fausser la perception des investisseurs de la situation réelle de la société. La Cour a estimé qu’ils ont été empêchés de prendre des décisions sur la base d’informations sincères.

La Cour d’Appel de Colmar était déjà venue préciser, dans un arrêt du 14 octobre 2003, que la circonstance que l’information communiquée au public soit afférente à des prévisions n’a pas pour effet d’exonérer l’émetteur de toute obligation de sincérité qui lui impose, d’une part de procéder à une appréciation raisonnable des risques et, d’autre part, d’émettre des réserves quant aux événements d’ores et déjà connus qui seraient susceptibles de les affecter. De surcroît, le fait que la société émettrice ne soit pas obligée de communiquer des informations ne l’autorise pas pour autant à faire diffuser des informations fausses lorsqu’elle choisit de les faire apparaître.

Aussi, justifie légalement sa décision un tribunal qui considère qu’une société a commis une faute en diffusant, en toute connaissance de cause, des prévisions de résultats pour l’exercice en cours, qu’elle savait ne pouvoir atteindre, et retient sa responsabilité à l’égard d’un actionnaire ayant acquis des titres sur la base du communiqué litigieux pour les revendre à perte, dès lors que la différence entre les résultats annoncés et les résultats effectifs ne peut trouver son explication dans les fluctuations courantes de l’activité de l’entreprise et que le communiqué ne comporte aucune réserve.

Objectivité et modération sont donc les caractéristiques attendues d’un communiqué portant sur les perspectives d’un émetteur.

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