Le service à règlement différé (« SRD ») permet aux investisseurs qui le souhaitent de différer, moyennant commission, le règlement-livraison de leur transaction à la fin du mois boursier, en ne s’acquittant que d’une partie de la valeur de position, autrement dit d’investir au moyen d’un “levier”.
L’opération effectuée avec SRD donne lieu au versement préalable, par le donneur d’ordres, d’un dépôt de garantie sur un compte dédié, autrement dit à la constitution d’une couverture calculée en pourcentage des positions et selon la nature des actifs du donneur d’ordres.
La couverture des ordres SRD est obligatoire.
Un donneur d’ordres doit avoir ses positions couvertes en permanence. Les couvertures sont recalculées chaque jour, en fonction des fluctuations du marché.
Un appel de couverture est fait chaque jour auprès des donneurs d’ordres dont la couverture ne suffit plus à couvrir les ordres SRD en cours.
S’il ne répond pas à cet appel, le donneur d’ordres doit défaire ses positions SRD.
Si le donneur d’ordres ne fait rien, alors le PSI doit obligatoirement liquider les positions du donneur d’ordre.
Les fautes du PSI :
Depuis un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 26 février 2008[1], l’obligation de couverture, régie par l’article 516-2, alinéa 2 du RGAMF, peut être invoquée comme fondement de la responsabilité du PSI qui n’en aurait pas exigé la constitution ou la constitution suffisante.
Pour la Cour de cassation, Le PSI intervenant pour le compte d’un donneur d’ordre sur le SRD est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n’a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers vendus ou au paiement des instruments financiers achetés.
Une telle liquidation d’office devant également avoir lieu lorsque les positions du donneur d’ordre ont été reportées et que celui-ci n’a pas, avant la même date, réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l’opération de report[2].
De même, pour la jurisprudence, le PSI qui fournit les services de réception et transmission d’ordres via internet doit, lorsqu’il tient lui-même le compte d’espèces et d’instruments financiers de son client, disposer d’un système automatisé de vérification du compte qui, en cas d’insuffisance des provisions et des couvertures, assure le blocage de l’entrée de l’ordre[3]
Sur ce dernier arrêt, il convient de préciser que le règlement visé (article 321-61 du RGAMF) n’est plus en vigueur depuis le 1er novembre 2007.
Le RGAMF ne prévoit plus à l’heure actuelle que les PSI doivent disposer d’un système automatisé de blocage des ordres, lorsque les opérations que leurs clients souhaitent réaliser ne disposent pas d’une couverture suffisante.
Néanmoins, les textes actuels autorisent une interprétation favorable à l’obligation de mise en place d’un tel système.
L’article 516-2, alinéa 2 du règlement général de l’AMF dispose que lorsque le prestataire reçoit un ordre à règlement ou livraison différés, il « ne peut accepter un tel ordre de la part de l’investisseur que s’il obtient de celui-ci la constitution d’une couverture soit dans ses livres, soit dans les livres du teneur de compte conservateur s’il n’assure pas lui-même cette fonction ».
Selon la Doctrine « En d’autres termes, l’ordre doit être refusé si la couverture disponible n’est pas suffisante. En raison du nombre d’ordres traités quotidiennement par les prestataires et les marchés, comment ne pas entrevoir l’obligation de mettre en place un système automatisé »[4].
La réparation du préjudice :
Pour la Cour de cassation depuis 2012, L’investisseur qui tarde à couvrir ses positions peut obtenir du professionnel qui a tardé à liquider ses positions débitrices l’indemnisation totale de son préjudice, sa faute étant absorbée par celle du second[5].
Dans un autre arrêt de 2012, la chambre commerciale juge que le PSI doit répondre de l’aggravation du solde débiteur causée par l’absence d’exigence de la couverture[6].
Pour la première fois, la chambre commerciale jugeant que la banque « doit répondre de l’aggravation du solde débiteur causé par cette faute » (le défaut d’appel de couverture), ce qui revient à faire supporter à l’intermédiaire l’intégralité des pertes subies à raison des opérations à terme non couvertes.
Cette solution mérite d’être approuvée. Selon la Doctrine :
« Non couverte, une opération à terme est une opération risquée, pour le marché exposé à des défaillances en chaîne, pour le PSI qui s’engage proprio nomine mais aussi, tel que la Cour a fini par le reconnaître, pour le donneur d’ordres. Aussi un professionnel qui n’appelle pas la couverture laisse le donneur d’ordres s’engager dans une opération risquée. Il faut alors en tirer les conclusions qui s’imposent : le PSI n’expose pas son client à la perte d’une chance de mieux arbitrer mais bien à la réalisation d’un risque. La négligence du professionnel est à l’origine de la réalisation d’un risque encouru, ce qui l’oblige à une réparation intégrale du dommage[7] »
Cette jurisprudence a été confirmée par la suite.
En 2015, la Cour de cassation estime qu’en raison du manquement par la banque à son obligation de bloquer les ordres passés à découvert, le préjudice ne peut consister en la seule perte de la chance d’obtenir ce blocage[8].
La Doctrine a approuvé cette décision et distingue l’obligation de blocage des ordres qui ne souffre d’aucun aléa à l’obligation de mise en garde, laquelle comporte une part d’incertitude sur le comportement du donneur d’ordres[9].
Cette absence d’aléas justifie, pour la Doctrine, la réparation intégrale du préjudice subi.
Nous sommes à votre entière disposition si vous êtes confronté à ce type de problématique.
Johann LISSOWSKI
[1] Cass.com., 26 févr. 2008, n°07-10761.
[2] Cass. Com., 26 juin 2012., n° 11-450 ; Cass. Com 26 mars 2013, n°12-13631 ; Cass. Com 9 juillet 2013, n°12-21415 ; Cass. Com., 9 juillet 2013, n°12-20691 ; Cass. Com., 11 juin 2013, n°12-12180.
[3] Cass. Com., 17 nov. 2015, n°14-18673.
[4] “Responsabilité du PSI pour défaut de blocage des ordres passés à découvert” Régis Vabres. Droit des sociétés n°1, Janvier 2016, comm. 14
[5] Cass. Com 26 juin 2012. n°11-11450
[6] Cass. Com., 22 mai 2012 ; n°11-17936
[7] Détermination de l’étendue du préjudice et de la responsabilité du PSI – Commentaire par Anne-Catherine MULLER. Revue de Droit bancaire et financier n° 4, Juillet 2012, comm. 132.
[8] Cass. Com., 17. nov. 2015, n°14-18673
[9] Responsabilité du PSI pour défaut de blocage des ordres passés à découvert – Commentaire par Régis VABRES